1h22 avec… Guillermo Guiz
Writer // Boris Rodesch - Photography // Sébastien Van de Walle
Chroniqueur et humoriste, Guy Verstraeten, footballeur émérite qui grandit à Anderlecht, alias Guillermo Guiz, est présent sur les ondes de la Première et sur France Inter dans l’émission de Nagui. Il est aussi auteur de son spectacle - « Guillermo Guiz a un bon fond » - qu’il propose sur les planches à Paris et à Bruxelles. Pollen a pris le Thalys direction Alhambra Théâtre Music-Hall.
Prince de l’humour noir ascendant absurde, un polyvalent comme on en croise rarement… Les critiques de la presse sont dithyrambiques.
Un journaliste qui comprend où je veux en venir et qui parvient à bien l’écrire, c’est hyper gratifiant. Après je suis conscient d’avoir un style qui leur plait, c’est normal je viens de là.
Quels sont tes premiers souvenirs à Paris ?
J’avais 19 ans et je sortais avec une Parisienne. Je prenais l’Eurolines pour venir la rejoindre. Je me perdais des heures dans la ville pendant qu’elle bossait.
Ta formation brièvement ?
J’ai terminé Sciences politiques à l’ULB. J’ai ensuite suivi une formation à l’Institut de Journalisme. J’ai fait un stage au journal Le Soir où j’ai commencé comme pigiste.
Comment était la vie de free-lance ?
En bossant pour des quotidiens, tu réalises rapidement que si tu ne cumules pas les piges, tu vas mourir de faim. J’ai donc commencé à bosser pour des hebdomadaires et des mensuels. Tu travailles plutôt moins pour gagner beaucoup plus. J’aime bien l’idée de travailler, mais pas assez pour accepter de me faire dégommer à la pige.
Tu signais Guy Verstraeten ?
Comme l’ensemble de mes articles. Mes seules chroniques signées sous le nom de Guillermo Guiz c’était Night in Night out pour Focus. Je sortais à Bruxelles et je racontais mes soirées.
C’est les prémices de ton entrée dans le monde de la nuit …
En 2011 mon ami Daniel Camus ouvrait sa boîte de nuit. Je tournais un peu en rond en presse écrite et j’ai accepté sa proposition. Je suis devenu son directeur artistique. Malheureusement la boîte plutôt bling bling n’était pas vraiment centrée sur la musique. Au V.I.P Room on a quand même booké des cools noms : De La Soul, Kelis, Bruno Mars ou encore Felix da Housecat.
As-tu toujours gardé une activité journalistique ?
J’ai continué à écrire pour Focus jusqu’en janvier dernier. Quand je bossais dans la nuit, c’était essentiel de continuer à écrire, au risque de me liquéfier intellectuellement. C’est un drôle de milieu où tu picoles considérablement et tu travailles tout le temps. Ce n’était pas une grande expérience et j’en suis clairement sorti plus bête.
Ce que tu préférais dans l’écriture journalistique ?
Le style. Si j’ai toujours aimé écrire et placer de l’humour dans mes articles, je me suis vite rendu compte que je ne serais jamais un grand journaliste. J’étais trop timide. Un journaliste a besoin de connections pour obtenir ses infos. Aller à la rencontre des gens, gérer une interview, c’était une vraie souffrance.
La première fois que tu as pensé à la scène ?
Fin 2012, la boîte de nuit était en déclin. C’était la galère à tous les niveaux, professionnellement, financièrement et sentimentalement.
C’est à ce moment précis que tu te rappelles que « la vie est un sketch »…
J’ai découvert le stand up et ça a été une révélation. Voir ces types parler de manière drôle sur scène plutôt que jouée, je n’avais pas l’impression que c’était des comédiens mais des mecs normaux. Ils parlaient de choses tellement plus intéressantes, sincères et philosophiques… Je n’avais jamais vu ça dans l’humour francophone.
Le rêve parisien ?
Quand tu fais ta première scène au Kings of Comedy Club et que tu enchaînes les bides, tu ne penses pas nécessairement à l’Olympia…
Ta plus grande inspiration ?
Louis C.K - créateur, acteur, producteur, scénariste et réalisateur de la série comique Louie. Il réfléchit la vie et la restitue de façon drôle, humaine et sincère. C’est un philosophe qui a plus de choses à dire que Bernard-Henri Lévy.
Un mot sur Thomas Gunzig et Alex Vizorek ?
Thomas ce n’est pas la moitié d’un bosseur, quand tu vois ce qu’il produit à l’année… Il a un esprit alambiqué avec des fulgurances incroyables. Alex, en plus d’être très talentueux, est le gars le plus bienveillant du milieu.
Tu es un gars plutôt sombre… L’humour, une forme d’évasion ?
L’humour est cathartique à plein de niveaux. Tu gagnes ta vie en t’interrogeant sur tes problèmes. C’est plus cool que de payer pour aller voir un psy !
Que dois-tu à l’humour ?
De me sortir de ce côté un peu dark. Depuis que je fais ce métier chouette et gratifiant, je suis mieux dans ma tête, plus apaisé. Il m’arrive des choses incroyables en cascade. J’ai joué deux fois à l’Olympia, j’ai fait le Zénith à Toulouse, la RTBF a réalisé un documentaire sur moi… Après ça ne change rien, quand tu rentres le soir tu n’as pas 100 gonzesses qui t’attendent dans ton lit.
S’il fallait définir ton humour ?
Absurdement noir. Je ne me considère pas comme agressif ou méchant mais un peu cinglant. Je ne règle jamais mes comptes avec l’humour, je règle mes comptes avec moi-même.
J’aime aborder des thématiques sombres. L’idée n’est pas de choquer mais de gratter les choses absurdes et drôles des comportements humains dans les situations graves de la vie. Le terrorisme, la pédophilie, le viol et la zoophilie, je ne sais pas pourquoi ça m‘intéresse tant ? Avec le recul je me fais un peu peur…
Comment choisis-tu tes sujets pour les chroniques en radio?
Pour Café serré sur la Première - j’ai fait mon dernier ce matin -, le cadre est défini par l’invité. Je me renseigne sur la question pour avoir un avis tranché, un angle sympa et envoyer de bonnes vannes. Sur France Inter c’est plus ouvert. J’explore des tas de choses et ils ne me prennent pas la tête. Les sujets doivent être liés à l’actualité. Ce lien est chez moi très distendu et l’actualité devient surtout un prétexte pour évoquer mes angoisses.
Avant tout ça, ta vie c’était le football…
Incontestablement. Durant toute ma jeunesse j’ai pensé devenir un joueur professionnel. À 12 ans je jouais au Standard de Liège et j’étais sélectionné en équipe nationale. Je n’avais malheureusement pas le corps de mon talent. Tous mes muscles ont lâché.
Les Diables Rouges champions du monde ?
Les Diables Rouges ne me passionnent pas. Ils sont tellement plus forts que les autres techniquement et physiquement… Ils devraient nous faire rêver mais j’ai du mal à m’identifier à cette équipe. Il leur manque la niaque. J’ai arrêté de les suivre après le Mundial Italia 90 et ce but de David Platt… J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps ce soir-là.
Une célébrité avec qui tu aimerais être coincé dans le Thalys ?
Si on oublie Pénélope Cruz… Edouard Baer ou Benoît Poelvoorde et s’ils sont ensemble c’est encore mieux. Je serais fasciné de les écouter.
La différence entre Guy Verstraeten et Guillermo Guiz ?
Les gens attendent désormais plus de Guillermo Guiz tandis que personne n’attend quoi que ce soit de Guy Verstraeten. Il pourrait s’éteindre à petit feu devant sa télé en mangeant des Doritos et des pistaches…
Des nouveaux projets pour la rentrée ?
Des sessions expérimentales les lundis soirs au Kings of Comedy Club avec Fred Jannin, Laurence Bibot et Gilles Dal. Il y aura mon spectacle les 13 et 14 septembre au centre culturel d’Uccle. J’ai aussi un gros projet en télé. Si ça se fait, je pourrai dire que j’ai réussi une partie de ma vie !
Si je ne t’avais pas croisé aujourd’hui ?
J’aurais continué le dernier bouquin de Virginie Despentes : Vernon Subutex 3.
Pour conclure, Guillermo Guiz a-t-il un bon fond ?
C’est une question à laquelle j’ai du mal à répondre. J’essaie d’être un mec bien mais ce n’est pas évident tous les jours