World Champions
Writer // Boris Rodesch - Photography // Sébastien Van de Walle
Tom Boon, Cédric Charlier, Victor Wegnez, Augustin Meurmans… si ces Bruxellois sont désormais champions du monde de hockey (une première pour un sport collectif belge), ils avaient déjà un point commun avant de partir à la Coupe du monde en Inde. Ils évoluent en effet tous les 4 au Royal Racing Club de Bruxelles. Pollen était présent au Racing pour saluer le retour des champions.
S’il ne fallait retenir qu’un seul moment au terme de cette aventure exceptionnelle ?
Victor Wegnez : Lorsque Vincent Vanasch arrête le dernier shoot-out et que toute l’équipe se jette sur lui, c’est le moment de la consécration du titre mondial. Il y a aussi eu les larmes de Simon Gougnard après son goal en demi-finale contre l’Angleterre.
Cédric Charlier : La Brabançonne a capella sur la Grand-Place, tous ces gens qui chantaient notre version bilingue, c’était juste grandiose !
Tom Boon : C’est difficile de définir un moment précis. Il y a eu tellement d’émotions avec les départs de Manu Stockbroekx et de John-John Dohmen et le décès du papa de Simon Gougnard. Toutes ces épreuves ont soudé le groupe.
Vous attendiez-vous à un dixième de cet engouement populaire à votre retour ?
CC : Honnêtement non, on avait tous peur qu’il n’y ait pas grand monde sur la Grand-Place. Un mardi midi, rassembler tellement de personnes et réunir autant de journalistes… Bien au-delà du hockey, il y avait des gens de partout. Cela ne va pas durer longtemps mais nous sommes même reconnus en rue. C’était inimaginable de prévoir un tel engouement.
C’était encore plus fort qu’après votre médaille d’argent aux J.O. à Rio ?
TB : C’était très différent, d’abord parce qu’on a gagné, mais aussi la façon dont on a été accueillis. Au retour des J.O., l’accueil était pour l’ensemble de la délégation belge. Cette fois-ci, le monde s’est déplacé uniquement pour les Red Lions. J’ai encore du mal à y croire, c’est un moment inoubliable !
Après trois finales perdues (J.O., World League, Euro), une nouvelle défaite en finale à la Coupe du monde aurait été difficile à gérer mentalement ?
CC : J’ai senti le groupe complètement différent par rapport aux finales précédentes et certainement par rapport à celle des J.O. où c’était un accomplissement d’avoir une médaille. Nous avions vraiment faim d’aller jusqu’au bout en Inde et nous ne visions que le titre suprême.
Vous étiez aussi conscients que cette victoire en demi-finale n’était qu’une étape vers le sacre mondial.
CC : On savait très bien que si on perdait, on aurait eu droit aux mêmes commentaires à notre retour. L’une des premières remarques avant la finale était de se dire que le temps du « net niet » ou du « juste pas », c’était terminé.
Victor, es-tu conscient que ton sourire a fait du bien à tous les amateurs de sport en Belgique ?
VW : J’ai vu plusieurs vidéos dont celle qui a fait le buzz le soir de la finale où je dis que je vais me bourrer la gueule… Je suis quelqu’un de souriant et de très émotionnel, c’est juste ma personnalité. Je suis surtout très heureux d’avoir pu partager ces moments de bonheur.
Un petit mot sur le soir de cette fameuse finale, une anecdote ?
Augustin Meurmans : Toute l’équipe a fait la fête en jambières et en chaussures de sport. Nous avons passé la nuit avec le maillot des Red Lions, on ne voulait plus le quitter.
Et le déroulement de la fête ?
CC : Nous avons commencé à l’hôtel et puis nous sommes partis chercher la fête ailleurs, sans doute parce qu’il n’y avait plus rien à boire dans le bar... On est allés dans un hôtel voisin ou il y avait d’autres délégations, les Hollandais étaient là aussi.
AM : Tom s’est fait voler ses jambières et ses chaussures, il a terminé la nuit à moitié nu en mangeant des nouilles crues dans la chambre de Cédric (rires).
Certains Red Lions évoluent dans le championnat néerlandais, cette rencontre contre les Pays-Bas devait être particulière ?
CC : Tom Boon, Sébastien Dockier, Arthur Van Doren ou Vincent Vanasch… Ils ont tous évolué aux Pays-Bas. Nous les jouons aussi souvent en tournoi et c’est vrai qu’il existe une sacrée rivalité entre les deux nations. Sans vouloir être arrogant, boire un dernier verre en leur compagnie avait vraiment une saveur très particulière…
C’est votre organisation défensive qui a fait la différence durant toute la compétition ?
VW : La rigueur défensive était la priorité de Shane McLeod. Nous avons changé des détails avant de partir en Inde et tout s’est mis en place au fur et à mesure du tournoi. Nous avons concédé 4 goals au cours des 3 premières rencontres et puis nous n’avons encaissé qu’un seul goal sur les 4 derniers matchs en jouant le Pakistan, l’Allemagne, l’Angleterre et les Pays-Bas, c’est pas mal.
Contrairement à Tom et Cédric qui sont dans le noyau des Red Lions depuis plus de 10 ans, Augustin et Victor ont grandi avec l’objectif réaliste d’aller chercher une médaille dans tous les tournois ?
VW : Je n’étais même pas né quand ils ont commencé à jouer en équipe nationale (rires).
C’est vrai que pour notre génération, l’objectif d’aller chercher un titre avec les Red Lions a toujours été bien présent.
AM : J’avais un poster de Cédric dans ma chambre et Tom a été le premier Red Lions que j’ai vu en vrai. Il m’a donné un entrainement à LARA.
CC : C’est clair que si je repense à nos débuts, c’était très différent. À l’époque, nous étions déjà contents de nous qualifier pour les grandes compétitions. Après, je suis convaincu qu’il fallait passer par ces nombreuses défaites (notamment en finale) pour espérer devenir un jour les champions que nous sommes aujourd’hui.
Vous avez passé près d’un mois en Inde, ce n’était pas trop long ?
TB : Les journées étaient parfois un peu longues mais on en profitait pour se reposer. On savait aussi que ce serait l’équipe qui parviendrait le mieux à gérer le temps qui allait s’imposer.
AM : On jouait aux cartes, à Yaniv.
VW : Le gagnant recevait un petit confort, une gâterie comme un bout de chocolat ou un coca.
Vous jouez tous les 4 au Racing, ce sont des affinités qui comptent parmi le noyau des Red Lions ?
VW : C’est clair qu’il y a des affinités, mais le groupe est très homogène. Tout le monde s’entend avec tout le monde et nous restons le plus souvent ensemble. Je partageais ma chambre avec Gus, Cédric avec Florent Van Aubel et Tom avec Simon Gougnard.
Gus, dans quel état d’esprit as-tu rejoint l’équipe suite à la blessure de Manu Stockbroekx et au forfait de John-John Dohmen ?
AM : Lorsque j’ai pris l’avion, je pensais que je ne jouerais pas, mais dès mon arrivée en Inde, j’ai appris que John-John était fort malade et allait être rapatrié en Belgique. C’était stressant de rentrer directement dans la compétition, surtout dans les phases éliminatoires, mais c’était aussi très excitant.
Tom, ce but contre l’Allemagne en quart de finale est-il le plus important de ta longue carrière ?
TB : C’est certainement l’un de ceux qui m’a le plus libéré, il a vraiment fait du bien à l’équipe.
VW : L’Allemagne, c’était le match le plus difficile. Le Pakistan nous avait donné de la confiance mais on savait que l’Allemagne serait le gros morceau. Nous savions dès l’entame du tournoi que nous allions devoir affronter une équipe très solide en quart de finale et que notre Coupe du monde allait se jouer sur ce match. L’euphorie au coup de sifflet final avec toute l’équipe qui se saute dans les bras, les images étaient incroyables !
AM : Notre célébration était d’ailleurs beaucoup plus folle qu’après notre victoire contre l’Angleterre en demi-finale. C’était un vrai cap de passer ce quart de finale.
La séance de shoot-out en finale contre les Pays-Bas était aussi digne des plus grands thrillers…
AM : Le pire, c’est que j’ai tout de suite couru vers Arthur De Sloover pour lui demander s’il avait touché la balle du pied et qu’il m’a répondu : « Non, t’inquiète, on est champions du monde. » Deux secondes plus tard, la vidéo démontrait l’inverse… J’ai pensé qu’il se foutait de moi (rires).
Chapeau à Florent Van Aubel qui a su prendre ses responsabilités en convertissant deux shoot-outs décisifs pour le titre mondial !
TB : Il faut en avoir, quel sang-froid. Il a vraiment été très fort.
CC : On parle beaucoup de Vincent Vanasch à juste titre, mais il faut aussi souligner le sang-froid de tous les tireurs qui ont pris leurs responsabilités dans un moment si crucial pour l’équipe.
Vous êtes désormais champions du monde ! Et le titre de champion de Belgique avec le Racing… C’est pour cette saison ?
AM : On se sent encore plus fort depuis notre retour de la Coupe du monde. Nous n’avons pas perdu un match sur le premier tour du championnat avec le Racing et c’est clair qu’on y croit plus que jamais.
VW : Il faudra répondre présent et atteindre notre pic de performance au bon moment. Comme à la Coupe du monde, ce sont les quarts de finale qui vont lancer la machine.
Quelles sont les prochaines échéances avec les Red Lions ?
CC : Il y a la Pro League qui commence en janvier. C’est une nouvelle compétition internationale qui se présente tel un mini-championnat en matchs allers-retours réunissant les neuf meilleures nations du hockey mondial. Nous jouons le 17 janvier en Espagne, le 25 janvier en Argentine, le 1er février en Nouvelle-Zélande, avant de terminer le 3 février en Australie. La Pro League reprend ensuite en Belgique au mois d’avril.
VW : L’objectif était surtout de supprimer toute une série de tournois inutiles qui se jouaient souvent dans des stades vides. Il s’agit donc de promouvoir le hockey en permettant aux nations qui reçoivent de jouer dans des stades combles. On attend 8000 personnes pour suivre nos matchs en avril. Médiatiquement parlant, c’est aussi beaucoup plus intéressant.
Et vous terminerez la saison en apothéose avec l’Euro 2019 organisé en Belgique !
VW : On se souvient de la défaite en finale l’an passé contre les Hollandais aux Pays-Bas et aussi de la finale olympique perdue contre l’Argentine face à un public complètement argentin. Ce sera à notre tour de jouer à la maison et on espère que nos supporters vont nous booster comme les Hollandais ont su le faire lors du dernier Euro.
Comment expliquer aux journalistes qu’ils doivent cesser les comparaisons avec les Diables rouges ?
TB : C’est logique qu’ils le fassent. Cela permet de resituer le hockey et de toucher un plus grand nombre de personnes.
AM : Être comparé aux Diables, cela fait aussi très plaisir. Lorsque j’ai vu la vidéo d’Eden Hazard qui nous félicitait sur les réseaux sociaux, c’était juste énorme !
CC : J’ai un avis différent. La comparaison était légitime lorsque nous n’étions pas connus dans les médias, mais cela n’a plus de sens aujourd’hui. Je pense aussi qu’il y a comme un léger ressenti par rapport au milieu du hockey soi-disant plus élitiste. Le dessin de Kroll paru au lendemain de notre retour sur la Grand-Place exprime très bien cette idée. Cela pourrait être nuisible à notre image sur le long terme, même si ça devrait aussi s’estomper avec nos résultats et le nombre d’affiliations qui va encore augmenter.
Pour conclure, Tom et Cédric, ce titre de champions du monde, c’est aussi une récompense pour plus de 10 ans de travail !
CC : J’ai fêté ma première sélection en 2006 et Tom en 2008. Nous avons créé toute l’identité des Red Lions pour les Jeux olympiques de Pékin en 2008. Le nom de l’équipe (on a longtemps hésité avec les Black Eagles), le logo ou encore la Brabançonne dans les deux langues... Nous nous sommes investis à chaque étape et dix ans plus tard, nous sommes champions du monde, tout ce chemin parcouru, c’est la folie !
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