1h22 avec… Thomas Meunier
Writer // Boris Rodesch - Photography // Michel Verpoorten
En 2010 Thomas Meunier était footballeur amateur à Virton ; il évolue désormais avec les stars du Paris St-Germain. Le Diable Rouge âgé de 26 ans est connu pour ses performances sur le terrain mais aussi pour un certain franc-parler et ses nombreuses punchlines. Pollen a pris le Thalys avec ce footballeur atypique.
Quel plaisir de se retrouver assis en face de toi.
Plaisir partagé, ça fait un moment qu’on essaie de s’organiser.
Tu prends souvent le Thalys ?
En moyenne deux fois par mois. Je l’ai pris dernièrement pour rejoindre l’équipe nationale.
Tu vas faire quoi à Bruxelles ?
Je fais un aller-retour pour visiter une association à Erasme qui organise un tournoi de mini foot. Il y a une récolte de dons et une vente aux enchères. J’ai pris les maillots des vedettes du PSG.
Sainte-Ode - Paris ?
C’est un changement de monde, que ce soit au niveau du foot ou de la vie sociale. J’ai quitté la brousse et les vaches qui entouraient ma maison pour rejoindre de grands buildings et une ville surpeuplée.
Ton premier souvenir à Paris ?
J’étais en option artistique à l’école et nous venions souvent à Paris pour visiter des musées ou des expositions. J’adorais cette ville mais sans jamais penser qu’un jour je jouerais au PSG. Je suis tellement chauvin, je n‘envisageais pas de quitter la Belgique.
Le plus beau cadeau que tu as reçu étant petit ?
Mon goal de foot pour le jardin. Je ne le quittais jamais. Je faisais des frappes à 20 mètres. Mes grands-parents, ma sœur, mon père et ma mère, ils y sont tous passés. Pour mes anniversaires, je recevais toujours des vareuses, des ballons et même des plots pour faire des exercices.
Tu as pourtant évité l’usine du football et ses centres de formation pour vivre une enfance normale.
En dehors de mes trois années à l’internat au Standard de Liège, j’ai pu profiter d’une ouverture sociale et scolaire plus enrichissante que la majorité des footballeurs pro. Au PSG par exemple, les jeunes ne vivent plus chez leurs parents. Pour eux, c’est football, école, football… À l’inverse, j’ai toujours fait tout ce que je voulais avec mes potes et ça m’a fort aidé.
À quel âge rêves-tu pour la première fois de devenir footballeur pro ?
J’ai réalisé entre 8 et 12 ans que j’avais peut-être ce petit quelque chose en plus. Je regardais les stars à la télé mais j’étais loin de penser que je serais à leur place un jour.
Tu disais ne pas avoir le talent d’un Neymar ou d’un Hazard ?
Ma réussite est due en grande partie au fait que j’ai dû compenser ce manque de talent avec beaucoup de travail. Messi, Neymar ou Hazard, ils ne devront jamais soulever un haltère pour faire la différence. Ils ont le football dans le sang.
Une pointe de jalousie ?
Avec mon parcours, je ne peux être jaloux de personne.
Un autographe qui te faisait rêver plus jeune ?
Ronaldo était mon idole. Un joueur absolu, complet, rapide et technique. Les joueurs brésiliens ont toujours été à la mode.
Tu essaies d’être disponible pour les fans ?
Il y a toujours du monde qui nous attend à la sortie du Camp des Loges. Je prends le temps de signer des autographes aux enfants. Certains sont là tous les jours, je me demande s’ils vont à l’école. L’enthousiasme autour du PSG est incroyable, surtout depuis les arrivées de Neymar et de Kylian Mbappé.
Avoir été viré du centre de formation au Standard, un tournant ?
Une révélation. J’avais 13, 14 ans et je me suis rendu compte que je n’étais pas fait pour le foot système. J’en avais marre de jouer tous les jours. J’avais dit à mes parents que je voulais arrêter. Ce n’était plus une passion mais juste une obligation. Ma mère n’a jamais voulu que j’arrête. Elle m’a inscrit à Virton où je n’avais que 3 entrainements. J’étais plus libre et le plaisir est vite revenu.
À Virton, tu enchaînes les jobs d’étudiant.
J’ai été postier en été après ma 6e secondaire. À la rentrée, le délégué de Virton m’a trouvé une place à l’usine. J’ai bossé une année chez Auto Vert. L’ambiance me plaisait bien et comme je vivais encore chez mes parents, je ne dépensais pas un euro. C’était donc tout bonus.
Ils faisaient quoi, tes parents ?
Mon père était électricien et ma mère infirmière.
Pas trop de tatouages, une coupe de cheveux plus ou moins classique, tu es un "footballeur normal".
Il y en a beaucoup, des footballeurs normaux. Le problème c’est que ceux qui attirent l’attention sont les plus originaux. Des footballeurs qui ont d’autres centres d’intérêt, j’en connais mille mais ils sont moins médiatisés.
Si tu n’avais pas été footballeur ?
J’aurais fait des études. À l’époque, je pensais à la communication, aux langues ou à des études artistiques à la Cambre.
Tu as profité de ta blessure pour visiter quelques expos à Paris ?
Au début, nous étions à l’hôtel, nous ne devions nous soucier de rien. Nous avons pris le temps de visiter le Louvre, le Centre Pompidou, des expositions d’art urbain, Montparnasse, Montmartre… Le soir, nous allions à l’opéra ou au cinéma. Il y a tellement de choses à faire à Paris.
Il y a un artiste en particulier qui attire ton regard ?
Je suis fan de Salvatore Dali, j’apprécie son côté surréaliste un peu cinglé qui sort du droit chemin. Picasso dans le même style, Manet en impressionnisme et plusieurs artistes en art urbain. Je suis très ouvert.
Tu dessines ?
En école d’art, je faisais beaucoup de graffiti. J’ai toujours été attiré par le street art. J’avais l’habitude de dessiner à Bruges mais désormais, avec mon fils et le rythme des matches, c’est plus compliqué.
Le FC Bruges et le PSG, c’est deux mondes tout à fait différents.
Au niveau de la vie sociale surtout, tu n’es plus libre de faire ce que tu veux quand tu veux. Les Parisiens sont très Paris Saint-Germain. Ils te reconnaissent partout et te prennent en photo. Et je ne suis pas à plaindre, je peux me promener tranquille. Marco Verratti ne peut pas sortir en ville et Neymar… Il ne sort pas de chez lui. Au Brésil, son surnom, c’est Mickey Mouse.
Finalement c’est un peu chiant la vie de footballeur.
Oui c’est chiant au possible et je déteste ça. J’ai la chance de pratiquer le sport que j’aime mais tout ce qu’il y a autour est insupportable. Pour quelqu’un qui a toujours apprécié le calme et la plénitude des moments passés en famille, dès ma signature à Bruges, c’était terminé. Je serais bien resté plus longtemps à Virton avec mes potes. Le changement était brutal mais j’ai fini par m’y habituer.
Footballeur, un métier ou une passion ?
Une passion, le foot ne sera jamais un métier.
Tu gères les excès de la vie nocturne parisienne ?
La vie de famille me pose. Ma compagne me tient à la baguette. Avec les matches qui s’enchaînent tous les trois jours et un minimum de conscience professionnelle, tu évites de sortir jusqu’à 5 heures du matin. Je fréquente plus les brasseries et les bars. Les discothèques à Paris sont un peu fake.
Un stam café ?
Il y a plein de chouettes bars dans le Marais ou à Saint-Germain-des-Prés. Tant que la bière est bonne, ça me va.
Des potes dans le vestiaire ?
Nous sommes quasi tous potes, on se fréquente 360 jours par an. Cela crée forcément des affinités. Nous avons un vestiaire très jeune où tous les joueurs sont dans le même délire. C’est vraiment difficile de ne pas s’entendre avec un joueur dans cette équipe.
Tu es supporter d’une équipe en particulier ?
J’aime le football grâce à Manchester United. J’ai commencé à les suivre à 8 ans quand ils ont remporté la Champions League contre le Bayern de Munich. J’allais souvent voir des matches à Old Trafford. La saison dernière, j’ai assisté à Tottenham - Manchester United. Si j’avais l’occasion, j’irais voir plus de matches anglais.
Tu en as glissé un mot à Romelu Lukaku ?
Oui, pour qu’il force son coach à engager un arrière droit (rires).
Es-tu superstitieux ?
Ce n’est pas mon style mais c’est vrai qu’à une période, même si je n’avais pas besoin, j’allais toujours aux toilettes avant de monter sur le terrain. Jusqu’au jour où je n’y suis pas allé et j’ai joué le match de ma vie.
Les Diables #tôtoutard champions du monde, on s’emballe?
Oui on s’emballe, on peut prétendre à une place dans le dernier carré mais quand je vois le niveau avec le Brésil, l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Espagne… Et puis, il y a la France qui est la grande favorite, avec l’équipe qu’ils ont ça va être très compliqué. Nous avons un bon groupe mais de là à dire qu’on va gagner la Coupe du monde… C’était plus simple de devenir champions d’Europe.
Eden Hazard vs Neymar ?
Eden a le niveau. Il a appris à mettre ses qualités individuelles au service du collectif tandis que Neymar est encore un peu fantaisiste.
Neymar, Thierry Henry chez les Diables, un peu blasé Meunier ?
Moi et les stars (rires)… Ce sont de vraies vedettes, ils peuvent aller au fin fond de la Thaïlande, on les reconnaitra toujours.
Tu te définirais comment ?
Je ne suis pas une star, je suis un footballeur normal dans un club qui prend une dimension extraordinaire.
Ton fils, Landrys, vient-il déjà te voir jouer au Parc des Princes ?
Il a 21 mois. Il est venu 2 ou 3 fois mais il est intenable.
T’aurais aimé avoir un père footballeur ?
Oui. Mon père rêvait lui aussi de devenir footballeur pro. Quand je me suis fait virer du Standard de Liège, limite il me râlait dessus
La pression paternelle au bord du terrain chez les jeunes, tu connais.
Il était très exigeant. Je me souviens de mes matches en U9, il se mettait derrière le goal pour me donner des conseils. On s’est pris la tête plusieurs fois, mais c’était plus fort que lui, c’est sa passion.
La folie Meunier au PSG, c’est le résultat de tes performances sportives mais aussi de ton franc-parler.
J’essaie d’être franc et honnête sans jamais tourner autour du pot.
Dire les choses indirectement, ça n’intéresse personne.
Ce que ta compagne déteste le plus chez toi ?
Je suis particulièrement tête en l’air et je ne suis pas organisé.
Ta plus grosse déconne ?
Je ne peux pas tout dire… J’ai toujours trainé avec des gens plus âgés. Je faisais le mur pour sortir en boite.
Ils venaient me chercher en voiture direction le Metropolis à Marche-en-Famenne pour danser sur de la techno bien hard.
Si tu pouvais échanger ta vie une journée ?
Avec un dj pour voir ce que ça fait de faire danser 20 000 personnes sur sa musique. Voyager à Ibiza, à Barcelone… Offrir du plaisir aux gens. Le dj doit tout gérer seul, en football c’est plus collectif. Quand je regarde des vidéos de certains dj sets, j’ai des frissons.
Tu écoutes du son ?
Oui, tout le temps. Ma préférence c’est la house, je suis fort branché musique électronique.
Pour l’instant, j’ai une phase plus old school, je n’écoute que du rap français. J’ai déjà mes places pour le concert d’IAM et pour les 30 ans de NTM.
Un morceau avant les matches ?
Du son qui me remue, de la house limite électro.
La sensation en marquant un goal ?
C’est unique mais ça dépend aussi du stade. En Angleterre, l’ambiance et le bruit des supporters, c’est autre chose.
Tu as vraiment envie de jouer en Angleterre.
C’est un championnat mythique. Tu prends le bouquet de la Premier League et le reste, tu t’en fous. Je ne regarde jamais Barça-Real, je préfère regarder West Bromwich-Stoke City, c’est mon délire.
Un jour ou l’autre, je goûterai à la Premier League.
T’aurais fait quoi dans le Thalys si je ne t’avais pas croisé ?
J’ai pris ma tablette pour le retour. Je suis plongé dans la dernière saison de Narcos.
Pour conclure, que puis-je te souhaiter de meilleur ?
Un contrat à Manchester United…
Signer à Manchester United, d’un point de vue personnel, ce serait un aboutissement. Mais le plus important c’est d’avoir la santé.