Laurence Bibot

Writer // Boris Rodesch - Photography // Michel Verpoorten

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Laurence Bibot, pour toute une génération, c’est Bravo Martine ou Miss Bricola avec les Snuls. À 50 ans, la comédienne qui est aussi la maman de Roméo Elvis et d’Angèle, continue de se réinventer. Auteure de la pièce Croisière Coconuts, après son premier one woman show à succès, Debout, elle confirme son immense talent pour le stand-up et signe un deuxième spectacle : Distinguée.

Auteure, comédienne, chanteuse, actrice…
Êtes-vous une boulimique de travail ?
Pas du tout, j’aime ne rien faire. Multiplier ses activités est une nécessité puisque c’est rare de gagner sa vie en ne faisant que du théâtre ou que de la mise en scène. C’est aussi devenu un moyen presque vital de ne pas s’emmerder dans une discipline. Pouvoir passer d’une activité à l’autre sans devoir se justifier, c’est un luxe énorme. Cette liberté est surtout le fait d’un pays où la culture n’est pas une industrie.

Si vous deviez définir l’humour des Snuls ?
Il y avait quelque chose de très irrévérencieux, c’était un scan de la Belgique et ils s’autorisaient à se moquer de tout. Jacques Brel… Je n’aurais jamais osé y toucher, mais avec eux, tout était possible. Finalement, le peu de ce qui nous restait de sacré est parti en fumée, j’aimais cette liberté.

Que reste-t-il aujourd’hui des Snuls ?
Ils ont su déringardiser l’humour belge en faisant rire toutes les générations. Ils ont autorisé les excès et ont permis à toute une génération d’oser revendiquer aimer le chicon, les frites-mayo, les carnavals… On pouvait tout se permettre après les Snuls.

Une inspiration, plus jeune ?
Je suis une enfant de Strip-Tease, cette manière de nous filmer ou de nous regarder était incroyable, elle ne m’a jamais quittée. 

Cette façon aussi de rentrer dans le quotidien de chacun…
De s’intéresser à des gens auxquels on ne s’intéressait pas et de désacraliser les institutions. Le travail sur les plans, le fait qu’il n’y avait pas d’interviews et pas de musique. 

Vous dites : "Les chroniques humoristiques sont devenues trop convenues…" Y a-t-il des comédiens qui vous plaisent aujourd’hui ?
Je suis fan d’Alex Lutz dans Catherine et Liliane. Mais aussi Chris Esquerre, un type un peu obscur qui ne ressemble à personne d’autre. Enfin, des gens que je fréquente, Guillermo Guiz, Alex Vizorek, Myriam Leroy ou Thomas Gunzig. Ils parviennent à réinventer le genre, mais je pense que trop souvent, avec la multiplication, ce truc qui était censé être un peu perturbateur est devenu un truc très conventionnel.

Alex Vizorek et Guillermo Guiz cartonnent en France… Vous reprochez aux médias belges de les avoir laissés filer trop vite, de ne pas assez soutenir les jeunes humoristes belges de talents ?
Je ne comprends d’ailleurs toujours pas comment mon spectacle, celui de Guillermo ou les pièces de  Myriam Leroy et de Sébastien Ministru ne sont pas programmés sur la Trois. Ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Alex et Guillermo avaient cette ambition de partir en France, mais je suis certaine que si on leur avait proposé un projet excitant en Belgique, ils auraient pu faire les deux. C’est dommage.

Vous n’avez jamais voulu tenter votre chance en France ?
Quand je vois les carrières de Guillermo et d’Alex qui partent à l’étranger sans état d’âme, peut-être que j’y arriverais avec l’âge, mais plus jeune, ça me paraissait être une aventure humaine presque impossible à réaliser. J’avais besoin de mes copains et de mon confort. Ça freine le goût de l’aventure, mais c’est tellement bien d’être chez soi. Je ne sais prendre des risques que si je suis entourée de gens bienveillants.

Vous êtes la maman biologique de Roméo Elvis et d’Angèle, mais aussi la maman symbolique de Guillermo Guiz dans le Roi de la vanne… Est-ce un rôle qui vous convient ?
En famille ou avec les Snuls, j’ai longtemps été la petite dernière et j’adorais cette position. Heureusement, ça évolue, tu imagines si tous mes amis avaient 80 ans… Quand Guillermo nous a demandé, à Frédéric Jannin et moi, de jouer ses parents, j’ai trouvé ça chouette pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il s’agissait de jouer un rôle naturel qui sortait de ce qu’on avait déjà fait, et puis la symbolique de nous choisir tous les 2… C’est une belle histoire. Jouer avec Fred, ça fait 25 ans qu’on s’amuse toujours autant !

4 artistes à la maison, avez-vous un langage commun en famille ?
Nous discutons beaucoup ensemble. On se protège tous les 4. Et puisqu’on est dans des univers différents, il n’y a pas un rapport de compétition. Par contre, tu ne peux pas éviter de regarder comment l’autre fonctionne et c’est très stimulant.

"Protéger" ? Le succès fulgurant de vos enfants vous effraie-t-il ?
Je suis confiante mais j’ai parfois l’impression qu’ils ne sont plus rien qu’à moi. Je connais la difficulté du métier qu’ils ont choisi où tout peut aller très vite dans un sens comme dans l’autre. Par ailleurs, c’est aussi une vie géniale et tout ce qui est pris est pris.

Pour conclure, quels sont vos projets futurs ?
La pièce de théâtre Croisière Coconuts programmée pour les fêtes de fin d’année au TTO (NDLR : Théâtre de la Toison d’Or) qui est ma seconde maison, et encore plusieurs dates en 2019 pour mon stand-up, Distinguée. J’aimerais aussi exploiter mes capsules vidéo sur Instagram. Je m’inspire en regardant des archives de la Sonuma, je vais chercher des interviews de femmes qui me plaisent et que je peux réincarner. Instagram, c’est un outil merveilleux qui bouleverse tout.