1h22 avec… Virginie Hocq
Writer // Boris Rodesch - Photography // Jean-Jacques De Neyer
Humoriste, comédienne au théâtre ou au cinéma, Virginie Hocq enchaîne les seuls-en-scène et les plateaux de télévision depuis plus de 20 ans. Prochainement à l’affiche de Do you do you Saint-Tropez, un long métrage réalisé par Nicolas Benamou et co-écrit par Jean-Marie Poiré et Christian Clavier, la Nivelloise âgée de 45 ans partage sa vie entre Bruxelles et Paris.
Boris Rodesch a pris le Thalys avec Virginie Hocq
Si vous deviez définir votre activité professionnelle ?
J’ai plusieurs cordes à mon arc, mais disons que je fais davantage vibrer celle de l’humour.
Comment avez-vous géré cette période de confinement ?
Je dois avouer que j’espérais depuis longtemps avoir un moment de rien, tout en sachant que le rien est légèrement paniquant en tant qu’artiste. Je l’ai donc géré nickel en hyperactive que je suis, je n’ai pas pu me calmer. Il était hors de question que je reste en survêt, j’avais besoin que le confinement ne ressemble pas à des dimanches tous les jours. J’étais institutrice le matin pour ma fille de 4 ans, Billie. J’ai suivi des cours de cuisine avec mon amoureux et je donnais des cours de gym en live sur instagram du lundi au samedi. J’ai organisé des baraques à frites dans mon garage, nous avons fêté Noël au mois de mai… L’idée était de trouver des thèmes combinés pour que chaque jour soit différent.
Des cours de gym sur instagram qui ont obtenu plus de 1 million de vues !
J’utilise instagram avec parcimonie. J’avais conscience que beaucoup de monde suivait mon travail, mais je ne me rendais pas compte que tant de gens m’appréciaient en tant que personne. Franchement, j’étais plutôt réfractaire aux réseaux sociaux, ce n’était pas un automatisme, mais quand j’ai réalisé l’engouement que suscitait ce moment de sport et ce dépassement de soi… Bien au-delà d’un groupe de personnes qui me suit sur instagram, nous formons désormais une petite communauté. J’ai mis des noms sur leurs visages et pour me remercier, ils m’ont offert une bague, un collier… C’était hallucinant.
Pour quelles raisons vous rendez-vous à Paris aujourd’hui ?
Je vais voir Johanna Boyé, la metteur en scène de mon spectacle Virginie Hocq ou presque, dont les représentations ont été suspendues en raison du Covid-19. Les premières dates se sont très bien déroulées, mais nous en profitons pour le peaufiner. J’ai aussi rendez-vous avec Nicolas Benamou pour discuter de nouveaux projets, notamment un rôle dans son prochain film.
Dans Do you do you Saint-Tropez, vous partagez l’affiche avec Gérard Depardieu, Benoît Poelvoor de et Christian Clavier. C’est un solide casting !
C’était dingue, j’étais dans mes petits souliers. Je ne suis pas du genre à faire du bruit pour faire du bruit, je suis plutôt discrète. Je regarde, j’écoute, et puis ma spontanéité intervient. Lorsque j’ai joué ma première scène avec Christian Clavier, je sentais qu’il me jaugeait. D’un côté, il y avait Nicolas Benamou qui me donnait des conseils comme réalisateur, et de l’autre, Christian Clavier intervenait en tant qu’auteur. Après un moment, je leur ai dit : faites-moi confiance, et j’étais partie. Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, ce sont des acteurs géniaux dans le sens génie, c’était une expérience formidable.
Quel est le pitch du film ?
L’histoire se déroule dans les années 1970. Je suis une grande productrice de théâtre. Mon mari est un brasseur belge, interprété par Benoît Poelvoorde, et je reçois des menaces de mort auxquelles je refuse de prêter attention, puisque j’organise les plus grandes fêtes, avec Eddy Barclay et des invités très mondains. L’inspecteur Boulin, joué par Christian Clavier, se saisit de l’affaire et débarque à l’une de nos soirées. Il porte bien son nom, c’est un boulet qui multiplie les conneries et son enquête est vraiment foireuse. Il s’ensuit une série de quiproquos et de gags.
Votre filmographie compte une dizaine de longs métrages depuis 2005. Aimeriez-vous jouer davantage au cinéma dans le futur ?
Ma priorité est de travailler sans devoir attendre que l’on vienne me chercher. Je ne fais pas partie de la famille du stand-up ou du théâtre, je suis un électron libre. Cette liberté a un prix et c’est parfois un peu stressant de ne pas savoir ce qui suivra. Au cinéma, jouer avec les autres, c’est tellement chouette. J’adore l’ambiance sur les plateaux, je peux suivre plusieurs cursus simultanément. Je suis curieuse, je pose des questions et j’apprends plein de choses sur l’image, sur le son… J’adorerais tourner davantage, mais c’est un peu paradoxal puisque je refuse justement plusieurs demandes en ce moment à cause des nombreuses dates de mon spectacle prévues jusqu’en janvier.
Plus jeune, ça vous évoquait quoi Paris ?
Quand j’étais au conservatoire à Bruxelles, Paris, c’était l’inaccessible. Je me disais, nous sommes tellement nombreux ici et ils sont encore plus nombreux là-bas. Ce n’était pas un objectif en soi. J’ai préféré prendre le temps de faire les choses en Belgique avant de m’éloigner et cela m’a plutôt bien réussi.
Un mot sur le mode de vie à la parisienne ?
J'adore cette ville et son athmosphère si vive mais je n'ai jamais voulu y vivre, même si par la force des choses, j’ai dû prendre un tout petit appartement qui fait dorénavant mon bonheur. J’espère que l’on va pouvoir le garder après ce qu’on vient de vivre. Je n’ai pas la mentalité parisienne et j’ai l’impression que cette ville n’est pas faite pour les familles. Quand je suis arrivée à Paris en 2009, je n’avais qu’une seule envie, c’était de rentrer chez moi. Je perdais tous mes repères et je n’avais plus de vie sociale. J’étais comme une fourmi qui faisait toujours le même chemin entre le théâtre et mon appartement ; quand je voyais des gens, c’était pour parler boulot. J’ai alors joué au théâtre de la Gaîté et j’ai choisi d’emménager dans le quartier. Le 14e arrondissement ressemble à un petit village. Cela me convient parfaitement. Aujourd’hui, je suis tellement contente quand j’y vais ! Je dors toute seule et lorsque je dois y jouer plusieurs mois, ma famille me rejoint les week-ends. À la rentrée je serai sur scène à Paris du jeudi au samedi pour pouvoir rentrer en Belgique du dimanche au mercredi.
Quelle a été votre formation, en bref ?
J’ai commencé le théâtre à huit ans à l’académie de Braine-l’Alleud, où j’ai tout essayé. Art dramatique, diction, déclamation et danse classique, que je n’aimais pas du tout, mais lorsque je commençais quelque chose, je devais aller au bout, surtout pour mon papa. À 15 ans, j’ai obtenu des rôles de figuration dans une pièce de théâtre, j’étais si heureuse, c’était le Graal. Je me suis ensuite inscrite à l’examen d’entrée du Conservatoire à Bruxelles, que j’ai terminé avant de commencer la Ligue d’impro et d’enchaîner, en 1999, avec un premier spectacle, Dis oui, suivi de mes premières en télévision avec les frères Taloche ou dans les caméras cachées de François l’Embrouille.
Quel était votre plan de carrière à la sortie du Conservatoire ?
Mes parents ne m’ont pas empêchée de faire ce job, mais ils m’ont bien dit que ce n’était pas gagné. J’ai trouvé ça super qu’ils me donnent l’opportunité d’essayer, même si mon père ne cessait de me répéter qu’il y avait beaucoup d’appelés pour peu d’élus. J’étais donc consciente que ce serait très difficile. Mon premier objectif était de pouvoir jouer au théâtre. Le Conservatoire est une école avec une certaine vision, où on ne parle pas de la Ligue d’impro ou de l’École du cirque. Avec le recul, je suis convaincue qu’il faut toucher à plein de choses pour trouver ce qui vous plaît. Toutes les alimentations sont bonnes, c’est l’excès qui n’est pas bon. L’impro a été un laboratoire extraordinaire où j’ai fait de magnifiques rencontres.
Vous explosez aux yeux du grand public en 2005 grâce à votre spectacle C’est tout moi et plus particulièrement, au sketch La liste de courses !
Nous l’avions envoyé à Patrick Sébastien qui m’a invitée dans son émission pour le jouer. Les retours étaient exceptionnels, tout le monde me demandait où je jouais, mais je n’avais pas encore de dates en France. Si instagram avait existé, j’aurais obtenu un million de followers !
C’est vous qui écrivez vos seuls-en-scène ?
J’ai écrit mon premier spectacle, surtout basé sur l’improvisation, avec mon metteur en scène de l’époque, Victor Scheffer. Plus tard, j’ai rencontré Patrick Ridremont et Olivier Leborgne à la Ligue d’impro. Ils sont devenus mes auteurs. C’était essentiellement Patrick qui écrivait mes textes, mais je n’étais pas très heureuse. Il a écrit des sketchs qui sont des chefs d’œuvres, mais son écriture était trop trash pour moi. Je ne trouvais pas ma place, excepté dans le sketch Roméo & Juliette, qui était mon idée. C’était malgré tout une grande chance d’avoir un co-auteur, car je ne savais pas encore que je serais un jour capable d’écrire seule Sur le fil ou Virginie Hocq ou presque.
Interpréter et donner la parole à d’autres femmes, c’est votre leitmotiv ?
Au-delà des femmes, c’est l’humain qui m’intéresse. Virginie Hocq ou presque, l’idée m’est venue lorsqu’on a enterré mon papa. Je trouvais tellement plombant que tout le monde vienne présenter ses sincères condoléances. C’était à chaque fois des petits couteaux dans les yeux. J’ai choisi de leur répondre : bonne cuite à tous ! À la fin de la journée, les invités étaient tous saouls et ça reste leur plus bel enterrement. Il fallait juste changer l’ordre des choses. C’est un sujet douloureux dont on ne parle pas souvent, j’avais envie d’oser, mais toujours avec de l’empathie puisque c’est un sujet qui nous concerne tous.
Avez-vous une affection particulière pour certaines femmes ?
Marie Curie, Frida Kahlo, Marie-Antoinette, toutes ces femmes me passionnent. Je lis leur biographie et je vulgarise des faits historiques. L’humour permet de retenir les choses plus facilement. Dans mon spectacle Sur le fil, j’interprète la vie de Marie-Antoinette. J’explique par exemple qu’elle était très malheureuse, avec un mari collectionneur de serrures et impuissant. C’est un comble (rires). Je me suis aussi intéressée à Cléopâtre, une petite cochonne très portée sur le sexe. Saviez-vous que c’est elle qui avait inventé les clubs échangistes et le vibromasseur ?
Quelle a été votre plus belle rencontre grâce à votre métier ?
Annie Cordy. J’ai la chance de pouvoir compter sur cette grande dame. C’est même l’une des seules personnes que je crois, car elle a toujours été très honnête avec moi et qu’elle ne me ménage pas. Je vais lui rendre visite plusieurs fois par an et on s’appelle très souvent.
Ce dont vous êtes la plus fière ?
Je suis fière de gérer cette vie. C’est comme les circassiens qui tiennent des assiettes avec des baguettes. J’y arrive, mais je me demande parfois quelle assiette va tomber la première. J’organise tout pour que mon boulot n’ait pas trop d’impact sur ma famille. Je désire surtout pouvoir rester ambitieuse. C’est difficile pour tout le monde, je tiens à pouvoir payer mes factures et continuer à vivre de mon métier. Je réalise mon rêve d’enfant, mais il ne faut pas que mon entourage en souffre. Lorsque je pars en tournée, je fais tout pour qu’ils ne le sentent pas trop. Je prépare des petits plats et je préserve ma vie de couple en valorisant nos moments. J’ai toujours fait ça et je ne saurais pas faire autrement.
Revendiquez-vous un certain humour belge ?
Non. J’ai mon propre rythme, ma façon de parler qui est apparemment reconnaissable. J’aime les temps. Mon humour est parfois corrosif, impertinent et tendre à la fois. Je veille à garder une certaine autodérision et je laisse mon corps s’exprimer. Si je devais donner un conseil aux plus jeunes, je leur dirais de cultiver leurs différences et de suivre ce qui les anime.
Vous êtes fréquemment invitée sur les plateaux de télévision en France. L’exercice vous plaît ?
J’aime bien et je gère ça plutôt bien. Il faut aussi être réaliste, c’est plus simple de remplir une salle quand vous passez à la télé.
Les spectacles, le cinéma, les émissions de télévision chez Arthur… Y a-t-il encore d’autres projets qui vous animent ?
La réalisation, j’ai toujours voulu et j’y viens doucement. C’est un autre job, mais ce dont je suis certaine, c’est que si je deviens réalisatrice, j’organiserai d’entrée un verre avec toute l’équipe. Je présenterais tous les postes à chaque comédien pour qu’ils réalisent l’importance de chacun. Nicolas Benamou m’a proposé de co-réaliser un film et nous avions commencé à travailler ensemble avant le confinement. C’est une très belle collaboration et le simple fait d’essayer est déjà très valorisant. Si ça n’aboutit pas, ce n’est pas grave. Heureusement, c’est encore comme cela que ça se passe dans mon entourage, on ne pense pas directement à la rentabilité. En Belgique particulièrement, nous pouvons encore créer en rencontrant quelqu’un sur un coin de table.
Vous ne seriez jamais devenue comédienne et humoriste si... ?
J’étais une jeune fille assez docile... si mes parents m’avaient dit non et si mon papa ne m’avait pas raconté tant de blagues.
Pour conclure, quel sera votre programme dans les mois à venir ?
Je débute le tournage d’une série pour France 2 fin juillet. Virginie Hocq ou presque reprend en septembre à Bruxelles au théâtre Le Public et à Paris au théâtre Tristan-Bernard du 8 octobre au 20 décembre. Viendront ensuite la promo et les avant-premières de Do you do you Saint-Tropez, dont la sortie en salle est prévue en janvier 2021.
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