1h22 avec Emmanuelle Devos

Writer // Boris Rodesch - Photography // Michel Verpoorten

Aussi talentueuse que discrète, la comédienne aux deux Césars est connue pour ses rôles dans le cinéma d’auteur français. À 59 ans, celle qui compte plus de soixante films brille également au théâtre, où elle a notamment remporté un Molière.

Boris Rodesch a pris l’Eurostar avec Emmanuelle Devos.

Venez-vous souvent à Bruxelles ?

J’y suis souvent venue pour tourner des films, mais depuis que la France bénéficie des mêmes conditions de Tax Shelter, les tournages en Belgique deviennent plus rares.

Un souvenir d’un tournage en particulier ?

Je garde un très bon souvenir du mois et demi que j’ai passé à Bruxelles pour le film Unspoken réalisé par Fien Troch, une réalisatrice belge que j’apprécie énormément.

Pour quelles raisons prenez-vous l’Eurostar aujourd’hui ?

J’ai une journée de presse pour le film de Joachim Lafosse, Un Silence, qui sortira en janvier dans les salles.

La promotion, c’est un exercice qui vous plaît ?

S’il y a toujours une appréhension à parler de soi, ça reste des rencontres qui vont le plus souvent dépendre des journalistes en face de moi. Cela peut déboucher sur une conversation très amicale, voire sur une séance de psychanalyse, ou parfois — mais c’est plus rare — sur des échanges plus tendus. Lorsqu’on doit répondre aux mêmes questions toute la journée, ce n’est pas toujours facile, ça devient vite ennuyant. J’essaie alors de répondre différemment selon les médias, quitte à raconter n’importe quoi (rires).

Vous disiez dans une interview que le métier d’actrice est «le plus grand divan au monde»

C’est un métier qui vous dépose dans des situations inconnues, que vous ne rencontreriez probablement jamais dans votre propre vie et qui vont vous forcer à ouvrir des portes pour voir comment vous réagiriez. On en apprend sur soi-même et ça entraîne parfois une vraie introspection.

Cela fait partie des choses que vous appréciez dans votre profession ?

Pas nécessairement, ça a pu m’intéresser mais désormais, j’ai envie de rôles plus techniques et moins dramatiques, car à la longue, on peut user nos émotions en puisant systématiquement trop loin. Je suis dans une phase où je n’ai plus trop envie de jouer des rôles difficiles sur le plan humain. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, lorsque vous rentrez dans la peau d’un personnage, si le cerveau parvient heureusement à faire la différence, c’est parfois plus difficile pour le corps. Il y a d’ailleurs certains films dont on ne sort pas tout à fait indemne.

C’est la raison pour laquelle vous avez accepté de jouer dans Noël Joyeux, une comédie réalisée par Clément Michel avec Franck Dubosc ?

Entre Un Silence et Noël Joyeux, je suis sur un vrai grand écart. Mon besoin de légèreté a été entendu par Clément Michel. J’en suis ravie, mais ce n’est pas pour autant que l’on va me proposer plein de comédies. Celle-ci me correspondait bien sachant qu’au niveau des comédies, il y a du bon, mais surtout beaucoup de moins bon.

Si vous deviez définir votre enfance ?

J’ai grandi dans un milieu bourgeois parisien avec des parents très cultivés et très joyeux. J’ai eu une enfance heureuse, mais je garde malgré tout un souvenir douloureux des absences de ma mère qui partait avec sa troupe de théâtre en été et un mois en hiver. J’ai donc grandi dans un univers théâtral, je l’accompagnais le plus souvent possible à ses répétitions et sur ses festivals, j’étais vraiment très intéressée par son métier d’actrice.

Un métier qui s’est ensuite imposé à vous comme une évidence ?

Oui, parce que je n’ai jamais pris consciemment la décision d’embrasser cette carrière. Je ne me souviens pas m’être dit un jour : «Je veux être comédienne.» C’est une question que je me suis posée bien plus tard, vers 23 ans, lorsque j’étais dans une période creuse professionnellement. À l’époque, je me suis demandé si c’était vraiment ce que je voulais faire. Mais enfant, c’était une évidence. Vers six ans, je rêvais déjà de monter sur les planches pour dire des textes.

«Cancre» au lycée, vous arrêtez ensuite l’école à 17 ans…

J’aurais aimé terminer mes études secondaires. C’est très déstabilisant de quitter l’école si jeune, mais le lycée voulait que je me dirige vers un enseignement technique. J’y suis allée trois semaines, le niveau était si bas que j’ai préféré abandonner. Je n’ai jamais compris pourquoi mes parents ne m’ont pas inscrite dans une école privée pour que j’obtienne au moins le bac.

Que fait-on pour occuper ses journées quand on est déscolarisé ?

J’ai eu 5-6 mois de flottement, car mes copines avaient toutes une vie réglée par le lycée. Je suis passée par une légère dépression avant de m’inscrire aux cours Florent et à l’école du cirque. Mes journées étaient alors à nouveau bien remplies, et le soir je faisais des petits boulots comme ouvreuse au théâtre ou babysitteuse.

Très jeune, vous lisiez déjà énormément de littérature française…

J’étais très cultivée mine de rien. J’ai appris à lire avec ma grand-mère dès l’âge de 4-5 ans. La lecture a toujours été un vrai bonheur. Balzac, Flaubert, Maupassant… Ces auteurs classiques sont des experts de l’âme humaine. Ils m’ont appris énormément sur le monde avant d’avoir l’âge requis. Prenez aussi Nabokov et Dostoïevski, lorsque vous les lisez à 14-15 ans, vous ne comprenez pas tout tout de suite mais ils vous offrent la complexité du monde, une base sur laquelle vous appuyer pour comprendre ce qu’est la vie.

Quel est votre premier souvenir de cinéma ?

J’y vais depuis mon plus jeune âge, car on habitait près de la Cinémathèque dans le 16e à Paris. Mon premier souvenir fort, c’est Les Fiancées en Folie de Buster Keaton. Ma mère et ma sœur riaient tellement, j’étais gênée.

Devenir comédienne pour une adolescente «si timide»… ce n’est pas banal ?

C’est un métier qui attire les timides et les introvertis, car il leur permet de s’exprimer en apprenant le texte des autres et en se mettant en scène. Passé les premiers chocs, ça devient même un moyen d’expression plutôt libérateur, qui force à faire un travail sur soi très intéressant. On conseille souvent à des gens timides de faire du théâtre parce que c’est une façon d’avancer masqué en se constituant un noyau amical très fort et rassurant.

Aviez-vous un modèle parmi les actrices ?

J’ai eu une petite passion pour Nastassja Kinski vers 18 ans, mais je préférais les actrices mortes. Je regardais des vieux films avec ma meilleure amie dans les salles de cinéma d’Art et d’Essai de Frédéric Mitterrand, où ils ne passaient que des films italiens et américains des années 40-50-60. J’avais aussi une vraie passion pour le cinéma soviétique. Alexandre Nevski, La cuirassé de Potemkine ou le cinéma d’Andreï Kontchalovski et d’Andre Rublov, j’allais voir tous ces films incroyables qui sortaient en France. J’aimais aussi la Nouvelle Vague et le cinéma de l’est. Les premiers films d’Emir Kusturica ou Qui chante là-bas ?, un film yougoslave exceptionnel réalisé par Slobodan Šijan, que Xavier Giannoli m’a retrouvé en DVD.

Votre carrière de comédienne prend du temps à démarrer. Entre 20 et 26 ans, c’est le calme plat…

À l’époque, j’obtiens des petits rôles au théâtre et je passe quelques castings, mais c’est vrai que je n’intéressais pas trop le milieu.

Et que se passe-t-il dans votre tête ?

Je m’étais dit que j’arrêterais si à 25 ans, ça n’avait toujours pas décollé. Heureusement, j’avais des amis très porteurs qui me rassuraient en me disant d’y croire, car ils pensaient que j’avais du talent.

Et notamment Noémie Lvovsky qui, très vite, soutient l’idée que vous êtes faite pour ce métier, pour être filmée en gros plan ?

Tout à fait, déjà aux cours Florent, mon entourage me motivait et je sentais que je n’étais pas seule avec mon envie. J’entendais cette petite voix résonner en moi pour me dire que je devais être patiente. J’ai ensuite rencontré Noémie à 24 ans, ce n’était pas la folie, c’était long, mais ça s’est doucement mis en place avec des petits rôles dans des téléfilms.

Vous décrochez justement un rôle dans son court-métrage, Dis-moi oui, dis-moi non, avant de jouer, en 1991, dans le premier film d’Arnaud Desplechin : La vie des morts.

C’est ma rencontre avec le cinéma, ce fut un vrai déclic.

Un déclic qui a souligné l’importance de faire les bonnes rencontres au bon moment…

On attire les gens avec lesquels on doit être à un moment précis. S’il y a des gens qui font toujours les mauvaises rencontres, j’estime pour ma part avoir toujours fait les bonnes, ou du moins avoir toujours repéré les gens vers qui aller de façon naturelle et sans effort particulier.

Un mot sur votre rencontre avec Arnaud Desplechin, qui deviendra votre réalisateur fétiche puisque vous avez déjà tourné sept films ensemble ?

Lorsque nous avons travaillé ensemble sur La vie des morts, j’ai tout de suite compris que ce n’était pas n’importe qui. C’était déjà un réalisateur avec du talent qui savait de quoi il parlait. Son cinéma peut atteindre un tel degré d’émotion en mettant toujours l’intellect au service du sensitif, il a compris des choses de la nature humaine, c’est absolument insensé.

Sur un plateau, êtes-vous plutôt du genre à échanger avec toute l’équipe ou à vous isoler ?

Je vis le plateau comme une invitation à diner chez moi. J’échange avec le plus grand nombre, c’est la moindre des choses. J’essaie d’être une sorte de liant entre les gens en gardant tout le monde à l’œil. Je suis toujours présente avant qu’on m’appelle, j’entends et je vois tout ce qui se passe, je suis une vraie vigile sur un tournage. Je ne m’en fais pas une gloire, mais j’ai la réputation d’être une actrice facile qui n’est pas là uniquement pour jouer son rôle. Pour moi, le cinéma est plus collectif que le théâtre où bizarrement, j’ai tendance à être plus secrète et à rester dans mon coin.

Après avoir enchaîné les petits rôles dans les années 90, vous rencontrez Jacques Audiard qui vous offre un premier rôle dans Sur mes lèvres, sorti en 2001. Comment s’est déroulée cette collaboration avec l’un des plus grands réalisateurs de sa génération ?

Je l’ai rencontré en amont pour discuter. Je me souviens qu’il avait dit à Vincent Cassel que je faisais des essais, alors qu’il m’avait dit à moi que c’était Vincent qui devait faire des essais. Nous pensions donc tous les deux être pris pour le rôle, alors que nous étions en période d’essai.

Réalise-t-on déjà au moment du tournage qu’un grand film est en train de se tourner ?

Oui, dans le sens où il y avait une ambiance particulière, une entente absolue entre les acteurs, les techniciens et le réalisateur. C’était un tournage qui avait la grâce, nous étions tous très heureux de participer à ce film. Vincent Cassel — qui était déjà beaucoup plus connu que moi — a été un partenaire formidable, très protecteur et particulièrement gentil, on riait tellement, il était parfait. J’avais aussi été impressionnée par sa force d’improvisation.

Y a-t-il une «méthode» Jacques Audiard ?

Il a cette façon de nous sortir de notre zone de confort en nous poussant à questionner notre personnage. Il nous force à travailler sur notre rôle en amont du tournage. J’étais en panique lorsqu’il me questionnait sur son scénario. Je ne voyais pas ce que je pouvais améliorer ou apporter à mon rôle en particulier. Mais il me demandait de réfléchir avec lui à mes répliques, je ne comprenais rien… Il questionne énormément son métier, il implique fort ses acteurs par peur que son scénario soit trop écrit. Vincent Cassel était incroyable dans sa façon d’apprendre son texte, comme s’il l’apprenait à l’envers, en s’éloignant du rôle écrit pour finalement inventer un vrai langage qui collait parfaitement à son personnage. Il s’était aussi complètement transformé physiquement. C’est un vrai acteur de composition comme nous n’en avons pas beaucoup en France.

De votre côté, étiez-vous consciente d’aller au-delà de ce que vous aviez déjà proposé au cinéma ?

Oui, vraiment, mais c’est surtout le rôle qui était incroyable. Il me correspondait très bien. Il fallait être nulle pour le rater. Jacques a le talent de toujours trouver les bons acteurs pour les bons rôles, et ce au bon moment de leur carrière. Il a cette faculté d’identifier la personne qui va pouvoir transcender un rôle. C’est une forme de médiumnité qui est propre aux grands réalisateurs.

Un talent qui vous a aussi permis de remporter le César de la meilleure actrice… Les récompenses individuelles dans un métier si collectif, c’est important ?

Ce prix peut servir de rampe de lancement pendant une année ou deux, mais ça ne change pas fondamentalement une carrière. Après, c’est plus simple à dire dans ma position parce que je vois bien que tous ceux qui n’en ont jamais remporté sont frustrés. Je dois aussi avouer que pour une ancienne cancre, c’est très agréable de remporter une récompense individuelle (rires).

Depuis, votre notoriété n’a cessé de croître et pourtant, vous restez très discrète dans les médias ?

Cela me fait plutôt rire de constater qu’à chaque fois que je suis à l’affiche d’un nouveau film, on me redécouvre. Cette sorte d’absence permanente me convient très bien car elle me permet aussi de garder une certaine fraicheur. Pour que le public ait envie de venir vous voir en salles, il vaut mieux se taire.

Où situez-vous l’importance d’interpréter des rôles plus engagés, permettant aussi d’aborder des thèmes plus importants, comme, par exemple, dans le film de Joachim Lafosse, Un Silence ?

Il ne s’agit pas tant de défendre une cause, mais plutôt de parler de quelque chose d’important dont on ne parle pas assez. C’est incroyable la résonnance que ça a aujourd’hui avec l’histoire de Gérard Depardieu et le témoignage d’Anouk Grinberg qui, tout à coup, se met à parler et qui s’en veut de n’avoir rien dit pendant des années. En l’écoutant à la radio, je me suis dit : «Elle nous fait de la promo sans même le vouloir.»

Que retenez-vous de ce premier film avec Joachim Lafosse ?

Souvent, ses films ne sont pas des parties de plaisir à regarder, mais ils soulèvent des choses tellement importantes de l’humain. Il va très loin dans l’humain en posant des questions qu’on n’aime pas se poser. Il travaille sur ses traumatismes et c’est très généreux de sa part de s’y coller, de se faire un peu mal pour raconter des histoires qui doivent être racontées. Ce n’est pas du tout narcissique. Pour Un Silence, j’ai eu des retours très violents de femmes en pleurs qui me remerciaient, car elles s’étaient tues trop longtemps et que le film leur avait permis de parler.

Vous aviez déjà joué avec Benoît Poelvoorde et Marie Gillain dans Coco avant Chanel. Y a-t-il, selon vous, un cinéma belge ?

Très clairement. J’ai toujours apprécié le fait que les Belges ne semblent pas s’embarrasser avec des hiérarchies sur les tournages. Vous n’osez pas trop sortir du lot et il y a toujours cette volonté de ne pas s’emballer, malgré des talents évidents. François Damiens, Yolande Moreau ou Bouli Lanners... il n’y a pas d’acteurs belges banals. Ils ont tous une telle liberté de jeu et ils ne se prennent jamais le chou.

Y a-t-il des choses que vous n’accepterez jamais de faire devant une caméra ?

Les rôles qui maltraitent un enfant, c’est impossible pour moi.

Que pensez-vous des rôles proposés aux actrices de plus de 50 ans ?

Passé 55 ans, on nous propose essentiellement des rôles de femmes méchantes ou cinglées. Mais depuis un moment, ça évolue. Après, nous ne sommes pas beaucoup à nous les partager. Et heureusement, car ils ne sont pas nombreux.

(NDLR : À titre d’exemple, sur l’ensemble des films français sortis en 2021, seuls 7 % des rôles avaient été attribués à des actrices âgées de plus de 50 ans, dénonce l’association Actrices et acteurs de France associés (AAFA).)

Quelle est la principale qualité pour être une bonne actrice ?

Se connaître et rester fidèle à qui on est sans se laisser influencer.

Et si vous deviez donner un conseil aux jeunes actrices ?

Je leur dirais de penser à cette phrase de Jean Cocteau : «Tes défauts, c’est toi. Cultive-les». Mais surtout de se nourrir tant qu’elles sont jeunes, car tout ce qu’elles auront vu ou lu, les pièces de théâtre, les films, les tableaux ou les livres, constituera un petit trésor dans lequel elles pourront piocher toute leur vie. Les chocs artistiques et esthétiques que l’on peut avoir plus jeune nous construisent.

Pour conclure, si vous deviez tout recommencer ?

Quelle fatigue… un tel chemin (rires). J’aurais aimé être géopoliticienne, journaliste politique ou historienne, mais je ne suis pas certaine que j’aurais été plus épanouie. Vivre mille vies, même si c’est pour de faux, c’est quand même pas si mal.

De actrice die even getalenteerd als discreet is en twee Césars heeft gewonnen, staat bekend om haar rollen in Franse auteursfilms. Met meer dan zestig films op haar naam schittert ze op 59-jarige leeftijd ook in het theater en heeft ze zelfs een Molière gewonnen.

Boris Rodesch nam samen met Emmanuelle Devos de Eurostar.

Kom je vaak in Brussel?

Ik ben er vaak geweest om films op te nemen, maar sinds Frankrijk dezelfde Tax Shelter-voorwaarden geniet, wordt er minder gefilmd in België.

Heb je een herinnering aan het draaien van een bepaalde film?

Ik heb erg goede herinneringen aan de anderhalve maand die ik in Brussel doorbracht voor de film Unspoken van Fien Troch, een Belgische regisseuse die ik erg goed vind.

Waarom neem je vandaag de Eurostar?

Ik heb een persdag voor de film A Silence (Un Silence) van Joachim Lafosse die in januari in de bioscopen komt.

Vind je het leuk om promotiewerkzaamheden te doen?

Hoewel ik altijd een beetje terughoudend ben om over mezelf te praten, zijn dit nog steeds van die gesprekken die het meest afhangen van de journalisten die voor me staan. Het kan uitmonden in een heel leuk gesprek, of zelfs in een psychoanalyse-sessie, of soms (maar dit komt bijna nooit voor) in meer gespannen uitwisselingen. Als je de hele dag dezelfde vragen moet beantwoorden, is dat niet altijd gemakkelijk en wordt het snel saai. Dus ik probeer afhankelijk van de media anders te reageren, zelfs als dat betekent dat ik onzin uitkraam (lacht).

In een interview heb je eens gezegd dat het acteervak “de grootste divan ter wereld” is ...

Het is een beroep dat je in onbekende situaties brengt die je in je eigen leven waarschijnlijk nooit zou tegenkomen en dat je dwingt deuren te openen om te zien hoe je zou reageren. Je leert veel over jezelf en dat leidt soms tot echte introspectie.

Is dit een van de dingen die je leuk vindt aan je beroep?

Niet per se, dit had me misschien kunnen interesseren maar vanaf nu wil ik meer technische en minder dramatische rollen. Op den duur kun je je emoties uitputten door systematisch te ver te gaan. Ik zit in een fase waarin ik niet echt rollen wil spelen die menselijk gezien moeilijk zijn. Want laten we eerlijk zijn, als je in de huid van een personage kruipt, zien de hersenen gelukkig wel het verschil, maar voor het lichaam is het soms moeilijker. Er zijn zelfs bepaalde films waar je niet helemaal ongeschonden uitkomt.

Heb je daarom een hoofdrol in Christmas unplanned (Noël Joyeux) geaccepteerd, een komedie met Franck Dubosc en geregisseerd door Clément Michel?

De rollen in A Silence en Christmas unplanned liggen ver uit elkaar. Clément Michel had in de gaten dat ik behoefte had aan luchtigheid. Ik ben er heel blij mee, maar dat betekent niet dat ik daarom veel rollen in komedies aangeboden ga krijgen. Deze film lag me goed maar ik weet ook dat er op het gebied van komedies goede films zijn maar vooral veel minder goede films.

Hoe zou je je jeugd omschrijven?

Ik ben opgegroeid in de Parijse bourgeoisie met zeer ontwikkelde en vrolijke ouders. Ik had een gelukkige jeugd, maar ik heb nog steeds pijnlijke herinneringen aan de afwezigheid van mijn moeder als ze met haar theatergezelschap onderweg was in de zomer en een maand in de winter. Ik groeide dus op in een theatrale omgeving, ik ging zo vaak mogelijk met haar mee naar repetities en festivals, ik was echt geïnteresseerd in haar werk als actrice.

Een beroep dat zichzelf min of meer als vanzelfsprekend aan je opdrong?

Ja, want ik heb nooit bewust voor deze carrière gekozen. Ik kan me niet herinneren dat ik op een dag tegen mezelf zei: “Ik wil actrice worden.” Het is een vraag die ik mezelf pas veel later stelde, rond mijn 23e, toen ik professioneel gezien in een dip zat. Op dat moment vroeg ik mezelf af of dit echt was wat ik wilde doen. Maar als kind vond ik dit iets vanzelfsprekends. Toen ik zes was, droomde ik er al van om op het podium te staan en teksten voor te dragen.

Je was een ‘luie leerling’ op het lyceum en verliet school toen je 17 was ...

Ik had graag mijn middelbare school afgemaakt. Het is erg verwarrend om zo jong van school te gaan, maar het lyceum wilde dat ik technisch onderwijs zou gaan volgen. Ik ben drie weken gegaan maar het niveau was zo laag dat ik besloot ermee te stoppen. Ik heb nooit begrepen waarom mijn ouders me niet op een particuliere school hebben ingeschreven, zodat ik tenminste mijn diploma kon halen.

Hoe bracht je je dagen door als je niet op school zat?

Ik heb vijf, zes maanden in dubio gezeten, omdat mijn vriendinnen door school allemaal een geregeld leven hadden. Ik heb eerst een lichte depressie gehad voordat ik me uiteindelijk inschreef op theaterschool Cours Florent en de circusschool. Mijn dagen waren weer gevuld en ‘s avonds verdiende ik wat bij als zaalwacht of oppas.

Toen je nog heel jong was, las je al veel Franse literatuur ...

Ik was erg ontwikkeld ook al liet ik dat niet merken. Mijn oma heeft me leren lezen toen ik vier, vijf jaar oud was. Lezen is altijd een groot plezier geweest. Balzac, Flaubert, Maupassant … Deze klassieke auteurs zijn experts op het gebied van de menselijke ziel. Ze hebben me veel over de wereld geleerd, nog voordat ik daar de leeftijd voor had. Neem Nabokov en Dostojevski, als je die op 14- of 15-jarige leeftijd leest, begrijp je niet alles meteen maar je krijgt wel de complexiteit van de wereld mee, een basis om te begrijpen waar het in het leven om draait.

Wat is je eerste herinnering aan de bioscoop?

Ik ga er al van kinds af aan heen, omdat we vlakbij de Cinémathèque in het 16e arrondissement in Parijs woonden. Mijn eerste levendige herinnering is aan Seven Chances (Les Fiancées en Folie) van Buster Keaton. Mijn moeder en zus moesten zo hard lachen dat ik me schaamde.

Een verlegen tiener die actrice wordt ... dat is niet iets gebruikelijks?

Het is een beroep dat verlegen en introverte mensen aantrekt, omdat het hen in staat stelt zichzelf te uiten door het leren van scripts van anderen en zichzelf een podium te geven. Als je eenmaal over de eerste schok heen bent, wordt het zelfs een vrij bevrijdend expressiemiddel dat je dwingt om op een interessante manier aan jezelf te werken. Mensen die verlegen zijn, wordt vaak aangeraden om toneel te gaan spelen omdat ze zich achter een ‘masker’ kunnen verschuilen en tegelijkertijd een sterke en vertrouwde vriendengroep kunnen opbouwen.

Was er een actrice die jouw voorbeeld was?

Toen ik ongeveer 18 was, had ik een voorliefde voor Nastassja Kinski maar overleden actrices hadden een streepje voor. Vroeger keek ik met mijn beste vriendin naar oude films in de zalen van het filmhuis van Frédéric Mitterrand, waar ze alleen Italiaanse en Amerikaanse films uit de jaren 40, 50 en 60 draaiden. Ik had ook een echte passie voor Russische films. Alexandre Nevski, Pantserkruiser Potjomkin of films van Andreï Kontchalovski en Andre Rublov ... ik heb al deze ongelooflijke films die in Frankrijk werden uitgebracht, gezien. Ik hield ook van de nouvelle vague en oosterse cinema. De eerste films van Emir Kusturica of Who’s Singin’ Over There? (Qui chante là-bas?), een geweldige Joegoslavische film geregisseerd door Slobodan Šijan, die Xavier Giannoli voor me vond op DVD.

Je acteercarrière komt maar langzaam op gang. Tussen de 20 en 26 jaar blijft het allemaal wat rustig ...

In die tijd kreeg ik een paar kleine rollen in het theater en had ik een paar castings, maar het is waar dat de wereld niet echt op me zat te wachten.

En wat gaat er dan om in je hoofd?

Ik zei tegen mezelf dat ik zou stoppen als ik op mijn 25e nog niet doorgebroken zou zijn. Gelukkig had ik vrienden die mij erg steunden en me geruststelden door te zeggen dat ik erin moest blijven geloven, omdat ze vonden dat ik talent had.

En met name Noémie Lvovsky, die het er al heel snel mee eens was dat je geknipt was voor dit vak, om in close-up gefilmd te worden?

Precies, en zelfs op het Cours Florent motiveerden de mensen om me heen me al en voelde ik dat ik niet alleen stond in het najagen van mijn droom. Ik hoorde dat stemmetje in me dat zei dat ik geduld moest hebben. Toen ontmoette ik op 24-jarige leeftijd Noémie en het was niet meteen een en al gekte en het heeft een tijd geduurd, maar langzaam viel alles op zijn plaats met kleine rollen in tv-films.

Je kreeg een rol in haar korte film Say Yes or No (Dis-moi oui, dis-moi non), voordat je in 1991 de hoofdrol speelde in de eerste film van Arnaud Desplechin: The Life of the Dead (La vie des morts).

Dat was mijn kennismaking met cinema, een echte eyeopener.

Een eyeopener die het belang onderstreepte van de juiste mensen op het juiste moment te ontmoeten ...

Iedereen trekt de mensen aan bij wie ze op een bepaald moment moeten zijn. Je hebt mensen die altijd de verkeerde mensen ontmoeten, maar in mijn geval heb ik altijd de juiste mensen ontmoet, of in ieder geval heb ik altijd zonder moeite te hoeven doen de mensen gevonden die ik op een natuurlijke manier kon benaderen.

Wat kun je ons vertellen over je ontmoeting met Arnaud Desplechin, die je favoriete regisseur zou worden aangezien jullie al zeven films samen hebben gemaakt?

Toen we samen aan The Life of the Dead werkten, realiseerde ik me meteen dat dit niet zomaar iemand was. Hij was al een getalenteerde regisseur die wist waar hij het over had. Zijn films kunnen zo’n mate van emotie bereiken door het intellect altijd in dienst te stellen van het zintuiglijke, hij weet hoe de menselijke natuur in elkaar zit, het is gewoon krankzinnig.

Ben jij iemand op de set die met iedereen een praatje maakt of zonder je je af?

Ik beschouw de set als een uitnodiging om bij mij thuis te komen eten. Ik ga met iedereen om, dat is wel het minste wat je kunt doen. Ik probeer een soort schakel tussen mensen te zijn door een oogje in het zeil te houden op de set. Ik ben er altijd voordat ik word opgeroepen, ik hoor en zie alles wat er gebeurt, ik ben een echte bewaker tijdens het draaien van een film. Ik wil mezelf niet op de borst kloppen, maar ik heb de reputatie een makkelijke actrice te zijn die er niet alleen is om haar rol te spelen. Voor mij is film meer een collectief dan theater, waar ik vreemd genoeg meer de neiging heb om op de achtergrond te blijven en mezelf af te zonderen.

Na een reeks kleine rollen in de jaren 90 ontmoette je Jacques Audiard, die je je eerste rol aanbood in Read My Lips (Sur mes lèvres) uit 2001. Hoe was het om te werken met een van de grootste regisseurs van zijn generatie?

Ik heb hem van tevoren ontmoet om dingen te bespreken. Ik herinner me dat hij tegen Vincent Cassel had gezegd dat ik try-outs deed, terwijl hij tegen mij zei dat het Vincent was die try-outs moest doen. Dus we dachten allebei dat we gecast zouden worden, ook al zaten we in onze proeftijd.

Realiseerde je je al tijdens het filmen dat er een geweldige film werd gemaakt?

Ja, in de zin dat er een speciale sfeer was, een absolute verstandhouding tussen de acteurs, de technici en de regisseur. Het draaien van deze film had stijl en we waren allemaal erg blij om er deel van uit te maken. Vincent Cassel, die al veel bekender was dan ik, was een geweldige partner. Hij was heel beschermend en bijzonder aardig, we hebben zoveel gelachen, hij was perfect. Ik was ook onder de indruk van zijn improvisatievermogen.

Bestaat er zoiets als een Jacques Audiard-methode?

Hij heeft een manier om ons uit onze comfortzone te halen door ons aan ons karakter te laten twijfelen. Hij dwingt ons om vóór de opnames aan onze rol te werken. Ik raakte altijd in paniek als hij me naar zijn script vroeg. Ik zag niet wat ik aan mijn rol zou kunnen verbeteren of toevoegen. Maar hij vroeg me om samen met hem over mijn tekst na te denken, ik begreep er niets van! Hij stelt zijn vak erg ter discussie en betrekt er altijd zijn acteurs bij uit angst dat zijn script te zeer schrijftaal is. Vincent Cassel was ongelooflijk in de manier waarop hij zijn tekst leerde, alsof hij ze achterstevoren leerde, zich losmaakte van de geschreven rol om erachter te komen welke taal perfect bij zijn personage paste. Ook fysiek had hij een complete transformatie ondergaan. Hij is een echte karakteracteur zoals we die niet veel hebben in Frankrijk.

Was jij je er van jouw kant van bewust dat je verder ging dan wat je al in de bioscoop had laten zien?

Ja, echt wel, maar het was vooral de rol die ongelooflijk was. Hij paste perfect bij me. Ik zou wel heel stom moeten zijn als ik gefaald had in die rol. Jacques heeft een talent voor het vinden van de juiste acteurs voor de juiste rollen op het juiste moment in hun carrière. Hij heeft het vermogen om de persoon te herkennen die een rol kan overstijgen. Het is een vorm van mediamieke aanleg die uniek is voor grote regisseurs.

Een talent dat ervoor gezorgd heeft dat je de César voor beste actrice in de wacht sleepte ... Hoe belangrijk zijn individuele prijzen in zo'n collectief beroep?

Deze prijs kan een jaar of twee dienen als een springplank, maar het verandert een carrière niet fundamenteel. Maar, ik heb makkelijk praten in mijn positie omdat ik kan zien dat iedereen die er nog nooit een heeft gewonnen gefrustreerd is. Ik moet ook toegeven dat het voor een voormalige luie leerling erg leuk is om een individuele prijs te winnen (lacht).

Sindsdien ben je steeds bekender geworden, maar je bent nog steeds erg discreet in de media?

Ik moet er steeds om lachen als ik zie dat ik elke keer als ik in een nieuwe film verschijn, opnieuw word ontdekt. Dit soort permanente afwezigheid komt me goed uit omdat het me ook in staat stelt om een zekere frisheid te behouden. Als je wilt dat het publiek naar je komt kijken in de bioscoop, kun je beter je mond houden.

Hoe zie je het belang van het spelen van meer geëngageerde rollen, die je ook in staat stellen om belangrijkere thema’s aan te pakken, zoals bijvoorbeeld in Joachim Lafosse’s film A Silence?

Het gaat niet zozeer om het verdedigen van een zaak, maar meer om het praten over iets belangrijks waar niet genoeg over gesproken wordt. Het is ongelooflijk welke uitwerking dit vandaag de dag heeft met het verhaal van Gérard Depardieu en de getuigenis van Anouk Grinberg, die plotseling een boekje opendoet en zichzelf verwijt dat ze jarenlang niets heeft gezegd. Toen ik haar op de radio hoorde, zei ik tegen mezelf: “Ze promoot ons zonder dat het haar bedoeling is.”

Wat is je bijgebleven van je eerste film met Joachim Lafosse?

Zijn films zijn vaak geen plezier om naar te kijken, maar ze stellen zulke belangrijke menselijke kwesties aan de orde. Hij gaat heel ver in het menselijke door vragen te stellen die we onszelf niet graag stellen. Hij werkt aan zijn trauma’s en het is heel genereus van hem om dit aan te pakken, om zichzelf een beetje pijn te doen om de verhalen te vertellen die verteld moeten worden. Het is helemaal niet narcistisch. Bij A Silence kreeg ik heel heftige reacties van huilende vrouwen die me bedankten omdat ze te lang hadden gezwegen en ze dankzij de film erover durfden te praten.

Je speelde eerder met Benoît Poelvoorde en Marie Gillain in Coco Before Chanel (Coco avant Chanel). Bestaat er volgens jou een Belgische cinema?

Absoluut! Ik heb het altijd gewaardeerd dat de Belgen zich niet lijken te storen aan hiërarchieën tijdens het draaien van een film. Jullie durven jezelf niet teveel te onderscheiden van de rest en er is altijd dat verlangen om jullie niet te laten meevoeren, ondanks jullie overduidelijke talenten. François Damiens, Yolande Moreau of Bouli Lanners ... Er zijn geen alledaagse Belgische acteurs. Ze hebben allemaal zoveel vrijheid om te spelen en ze laten zich nooit meeslepen.

Zijn er dingen die je nooit voor de camera zou doen?

Rollen waarin een kind wordt mishandeld, zijn voor mij onmogelijk.

Wat vind je van de rollen die actrices van boven de 50 aangeboden krijgen?

Zodra we de 55 gepasseerd zijn, krijgen we vooral rollen als slechte of gestoorde vrouwen. Maar de dingen zijn nu al een tijdje aan het veranderen. Daarbij, zoveel zijn er niet van ons om de rollen onder te verdelen. En gelukkig maar want de rollen liggen niet voor het oprapen.  (NVDR: Van alle Franse films die in 2021 werden uitgebracht bijvoorbeeld, werd volgens de Franse vereniging voor actrices en acteurs Actrices et acteurs de France associés (AAFA) slechts 7% van de rollen gegeven aan actrices ouder dan 50 jaar.

Wat is de belangrijkste eigenschap van een goede actrice?

Jezelf kennen en trouw blijven aan wie je bent zonder je te laten beïnvloeden.

Welk advies zou je jonge actrices geven?

Ik zou ze zeggen dat ze aan deze zin van Jean Cocteau moeten denken: "Je gebreken ben je zelf. Cultiveer ze”. Maar vooral om zichzelf te voeden als ze nog jong zijn, want alles wat ze hebben gezien of gelezen (toneelstukken, films, schilderijen of boeken) wordt opgeslagen in een kleine schatkamer waaruit ze de rest van hun leven kunnen putten. We worden gevormd door de artistieke en esthetische schokken die we ervaren als we jong zijn.

Tot slot, wat als je helemaal opnieuw zou moeten beginnen?

Hoe vermoeiend ... zo'n lange weg (lacht). Ik had graag geopoliticus, politiek journalist of historicus willen worden, maar ik weet niet of ik dan meer voldoening zou hebben gehad. Duizend levens leiden, ook al is het niet in het echte leven, is zo slecht nog niet.

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